Cet article est une archive publiée à l'origine sur Medium, le
23.11.2017
Il est présenté ici à titre historique et peut ne pas refléter les dernières informations disponibles ou les pratiques actuelles.
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“Ouverture” de l’Assemblée nationale : on nous a demandé notre avis, voilà ce que nous avons proposé

Une fois n’est pas coutume pour une journaliste, j’ai été interviewée par des députés.

Plus sérieusement, le groupe de travail du Palais Bourbon sur « l’ouverture de l’Assemblée nationale à la société et son rayonnement scientifique et culturel »- mis en place dans le cadre de la démarche engagée par le bureau de l’AN sur la réforme de l’institution- a eu la gentillesse de nous convier à une audition pour débattre de ce sujet, jeudi 16 novembre.

Dans cette salle de la commission du Développement durable -où j’ai eu l’occasion d’aller de nombreuses fois quand je traitais des sujets énergie-, nous étions donc cinq journalistes à faire face aux parlementaires : Jean Pierre Gratien, président de l’association des journalistes parlementaires, Marie-Ève Malouines, présidente de LCP-AN, Frédéric Dumoulin, chef du service politique de l’AFP, Jannick Alimi, rédactrice en chef adjointe au service politique du Parisien/Aujourd’hui en France, et votre serviteure.

La discussion- c’était plus une série de prises de parole que de questions/réponses malheureusement-, était animée par les députées Elsa Faucillon (Présidente, PC) et la rapporteure Delphine O.

Qui aime bien châtie bien, comme dirait l’autre, je ne me suis donc pas privée d’exprimer ce que l’équipe de Contexte (la rédaction et l’équipe technique) vit au quotidien, et qui se traduit souvent par un manque d’ouverture de l’institution.

Notre objectif était clair : si Contexte peut contribuer à faire évoluer l’institution pour que les journalistes, et par leur biais les citoyens ou la société civile, comprennent mieux ce qui s’y passe, tout le monde sera gagnant.

Le rapport du groupe de travail doit être rendu début décembre. Voici en résumé (pour l’intégralité, vous pouvez regarder la vidéo) ce que Contexte a proposé (parfois peut-être plus clairement exprimé dans ce billet de blog. J’ai aussi ajouté quelques éléments que je n’ai pas eu le temps de dire):

  • Rendre l’Open data de l’Assemblée exploitable pour fabriquer des outils pour les gens qui suivent quotidiennement la loi. Ce n’est pas le cas aujourd’hui. Tout d’abord parce que l’Open data de l’Assemblée (mais également du Sénat) n’est pas en temps réel mais en publication quotidienne. Ensuite parce le niveau de granularité des données n’est pas toujours suffisant pour permettre de suivre finement la fabrication de la loi. Les développeurs (notamment chez nous) sont donc obligés d’utiliser les données qui sont sur le site public de l’AN (“scrapper” directement le site de l’institution). Sauf que les pages du site sont faites pour être lues par des humains et non pas par des machines. Elles sont donc très difficiles à structurer, notamment par exemple, parce que les textes de lois sur le site de l’Assemblée ont des données en 36 formats différents.
  • Filmer les débats en commission mixte paritaire. Ce n’est pas pendant les questions au gouvernement que le travail parlementaire se fait. Ce sont pourtant bien les QAG que tout le monde peut suivre en direct, sur Internet ou à la télé. Le travail en commission est désormais très souvent filmé. Mais ce n’est pas le cas des commissions mixtes paritaires par exemple. Des lieux où pourtant l’élaboration de la loi se dénoue ou se bloque.
  • Savoir tout ce que les députés ont voté. Pourquoi avoir encore des votes à main levée qui ne permettent pas de savoir qui vote sur quoi de façon systématique, sauf à faire un travail artisanal impossible.
  • Un parlement est un lieu pour les citoyens, les journalistes doivent pouvoir circuler partout. Seuls les quelques journalistes de l’association de la presse parlementaire, dont Contexte fait partie, peuvent, grâce à leur badge, pénétrer à l’Assemblée par l’entrée qu’ils veulent et circuler à peu près librement. Les autres sont parqués en salle des quatre colonnes où les élus n’ont pas forcément besoin de se rendre, sauf ceux qui veulent parfois uniquement faire un show. Pourquoi ne pas s’inspirer du Parlement européen, où on peut aller partout -jusqu’aux bureaux des députés, dont le numéro figure sur la fiche du parlementaire.
  • Fournir plus de données sur le travail des élus, par exemple sur leur présence en commission. Pour éviter les caricatures des médias sur le travail des députés uniquement fondé sur la présence en séance, on pourrait mesurer la présence des députés en commission, ou dans les autres réunions où ils vont.
  • Donner un statut d’observateur, ou “consultatif”, comme à l’ONU, aux journalistes. Si l’on veut donner une vraie place aux journalistes au sein de l’institution pour leur permettre de bien faire leur travail, pourquoi ne pas leur donner la possibilité de poser une question à la fin d’une audition, par exemple en s’inscrivant au préalable.
  • Aider les journalistes à mieux comprendre la mécanique parlementaire. Très souvent, les mauvais articles -par exemple sur des propositions de loi qui ne seront pourtant jamais inscrites à l’ordre du jour de l’AN et n’ont donc aucune chance de passer- sont liés à un manque de connaissance de la procédure. Comme cela a déjà été fait avec l’Association des journalistes de l’information sociale sur le PLF, l’administration pourrait proposer régulièrement des formations aux journalistes sur le fonctionnement de l’institution. Autre idée : des administrateurs pourraient être présents aux quatre colonnes le mercredi après-midi pour répondre aux demandes de précisions des journalistes.
  • Clarifier le site de l’Assemblée. Les agendas existent, mais sont difficiles à comprendre. Donner une information en temps réel, en ligne, sur le déroulé de la séance. Fournir des compte rendus des commissions le jour même.